Derrière ce titre aguicheur se cache une réflexion qui occupe mes pensées depuis la fin de mes études il y a maintenant plusieurs années.

Déjà, qu’est-ce qu’une startup ?

La définition du dictionnaire Le Robert est la suivante : « Une start-up, jeune pousse ou entreprise en démarrage en français est une entreprise innovante nouvellement créée, généralement à la recherche d’importants fonds d’investissement, avec un très fort potentiel éventuel de croissance économique et de spéculation financière sur sa valeur future.« 

Sur le papier, cette définition résume bien l’idée derrière ces entreprises :

  1. Trouver une idée innovante
  2. Rassembler une équipe talentueuse
  3. Trouver son adéquation entre le produit et le marché (aussi appelé Product-Market fit)
  4. Phase d’hyper croissance (grâce à des techniques de growth hack par exemple)
  5. Se faire racheter ou lever des fonds

Je résume très grossièrement mais toute personne ayant travaillé de près ou de loin dans le monde des startups devrait avoir entendu parlé de ces différentes étapes de développement.

Ajoutez à ça une dose de baby-foot, des vidéos d’un CEO charismatique sur Welcome To The Jungle et des publications inspirantes sur LinkedIn et vous avez vous avez tous les ingrédients nécessaires à la réussite d’une jeune pousse française !

Quel est le problème dans tout ça ? Je ne suis pas en train de dénigrer les personnes qui lancent ou qui travaillent dans les startups, bien au contraire j’ai une réelle admiration pour tous les entrepreneurs, mais je déplore le modèle de développement dans certain cas de ces entreprises et particulièrement leur caractère spéculatif et parfois éphémère.

Baby foot Startup et recrutement, enfin des chiffres
Ça donne pas envie de lever des millions des locaux pareil ? 😎

Lève ou meurs

Une chose que ne mentionne pas la définition du dictionnaire c’est la nécessité pour ces entreprises d’être scalable – en français on pourrait traduire ça par extensible. Ce que veulent de nombreuses startups au final c’est intéresser les grosses entreprises et les fonds d’investissements, de ce fait, le produit/service doit pouvoir être répliqué à l’infini à moindre coût afin de pouvoir se vendre toujours plus. L’objectif final étant toujours d’attirer plus de clients, plus de marché pour faire plus de ventes et de devenir le leader du secteur.

Pourquoi faut-il toujours devenir le plus gros et être le leader du marché ? Combien d’entreprises injectent des quantités astronomiques d’investissements avant d’être rentables ? Est-ce c’est vraiment juste pour les TPE/PME d’être confrontés à des acteurs qui se retrouvent parfois à vendre à perte ? J’ai en tête l’exemple de la livraison de nourriture ou encore des trottinettes en libre-service, je trouve que ces exemples sont particulièrement parlant pour les personnes qui vivent dans des grandes villes et qui ont pu voir un nombre impressionnant d’entreprises proposer ces services jusqu’à être vidé financièrement pour au final se retirer de la course. Je vois ces marchés comme une sorte de Battle Royal (jeu du survivant) où les acteurs qui survivent ne sont pas forcément les meilleurs en termes de qualité de service, mais simplement ceux qui proposent la plus grosse couverture territoriale avec les prix les plus agressifs le plus longtemps possible. Ces derniers peuvent tenir le plus souvent grâce aux investisseurs derrières qui permettent à ces entreprises de tourner à perte car ils ont capté une grosse partie du marché.

Est-ce vraiment sain comme mode de développement ? Je ne suis pas certain que les salariés et les clients de ces entreprises (ou les prestataires dans le cas de la livraison) soient les grands gagnants dans l’histoire et ce n’est franchement pas un modèle de développement qui m’attire. Malheureusement ce modèle du « vite et jetable » reflète assez bien notre société actuelle où il faut aller toujours plus vite et être toujours plus gros quels qu’en soient les coûts. Une chose est sûre, le grand perdant dans cette histoire c’est toujours l’environnement.

L’innovation oui mais à quel prix ?

Les aides sont majoritairement attribuées aux entreprises innovantes. A chaque secteur sa bourse et je pense que c’est une véritable aubaine pour les entreprises qui cherchent à faire bouger les choses. Je pense à Free qui a mis un coup de pied dans la fourmilière du marché de la téléphone en écrasant les prix, je pense forcément à Uber qui a réussi à devenir le leader d’un marché très réglementé, ou encore à SpaceX qui a réussi l’exploit de s’attaquer au secteur quasi inaccessible de l’aérospatial. L’innovation est essentielle au développement humain et c’est grâce à elle que nous avons la chance de vivre dans un monde aussi confortable (nous les occidentaux) mais nous en voyons aussi très clairement les limites désormais.

Ma génération étant particulièrement concerné face au changement climatique, il me paraît évident d’établir un lien entre la course à l’innovation que nous vivons en permanence et l’augmentation effrénée des gaz à effet de serres. Que l’on soit pour ou contre l’innovation, il va sans dire que ce ne sera pas grâce à elle que nous pourrons inverser la tendance actuelle. La problématique qui se pose à nous aujourd’hui est la cause de centaines d’années d’industrialisation et de surconsommation qui ne sera pas réglé en « vendant plus ».

Lorsque je vois de nouvelles entreprises proposer des services dont personne n’a réellement besoin tout en sachant que derrière ces entreprises ont pour objectif de lever des fonds, produire en masse et devenir le leader du secteur, ça donne le vertige et le sentiment que la mécanique de beaucoup de startup est trop souvent simplement spéculative et je trouve ça dommage. L’objectif n’est plus de délivrer de la valeur sur le long terme et d’apporter sa pierre à l’édifice à un secteur mais simplement d’avoir des chiffres attractifs qui permettront de décrocher des bourses, des prix pour au final lever des fonds.

Le retour du « slow growth » ou « croissance lente »

Si j’écris cet article un peu différent de ce que j’ai l’habitude de faire, c’est parce que j’ai lu un livre qui a particulièrement attiré mon attention et que je recommande à tous ceux qui s’intéressent au sujet : Company Of One est un livre qui prône la croissance lente et mesurée. L’auteur explique son point de vue sur le développement des entreprises et le non-sens qu’est devenu la course effrénée à la croissance à tout prix sans réellement savoir pourquoi. La croissance oui, mais celle qui a un objectif derrière, pas la croissance uniquement spéculative.

Doit-on considérer qu’une entreprise ou qu’un entrepreneur a réussi uniquement lorsqu’il est le leader de son marché ? Lorsqu’il emploie 100 salariés ? 1 000 salariés ? Lorsque son entreprise est valorisée à 1 million ? 100 millions ? 1 milliard ? La réussite est avant tout un sentiment personnel et ne doit pas être selon moi corrélé à un chiffre.

Je pense que cet état d’esprit fait énormément sens de nos jours et je sais que je ne suis pas le seul à avoir été confronté un jour dans mon expérience professionnelle à des objectifs de croissances démesurés qui rendent les emplois du temps de tout le monde intenable et participent à créer un environnement de travail malsain voire parfois toxique. Il suffit de regarder autour de soi ou de faire un tour sur LinkedIn pour voir le nombre de personnes qui souhaitent se reconvertir suite à des mauvaises expériences de travail. Agriculture, boulangerie, cuisine, couture… Si ces secteurs sont en « vogue » et qu’autant de jeunes cadres souhaitent maintenant se reconvertir, ce n’est pas pour rien, c’est parce que les gens veulent se reconnecter avec les professions qui ont un sens et être maître de leur rythme de travail.